La Hague…

« La région de mon enfance »,    par Colette…

Située sur la pointe Ouest de la presqu’île du Cotentin, c’est un pays sauvage que la mer a sculpté.

J’y ai vécu toute mon enfance. Notre maison d’été se dressait à Urville au bord de la plage qui s’étend sur plusieurs kilomètres et se termine par les falaises. Là, un petit sentier « le chemin des douaniers » surplombant la mer, serpente au gré des rochers.

C’était pour mon frère et moi un merveilleux départ de promenade où nous pouvions inventer les aventures de hardis contrebandiers qui défiaient les gabelous surtout quand le vent sifflait dans les fougères et que la mer écumait…

De là on voyait passer au large les grands paquebots qui partaient vers l’Amérique.

Mes grands-parents paternels avaient leur maison à Omonville-la-Rogne, un joli village avec un port bien abrité du vent d’Ouest qui souffle fort dans ces parages. A marée haute les marins-pêcheurs revenaient à bord de leurs bateaux à coque noire et voiles couleur abricot. Une fois arrimés au quai, ils vendaient les poissons, les crabes (appelés « clopoings ») et les homards, pêchés pendant la journée ou dans la nuit.

Plus à l’Ouest, au bout de la Presqu’île, après avoir passé le Cap de la Hague, mon père nous emmenait souvent à Goury admirer le « Canot de Sauvetage ». Actuellement encore, à l’abri dans un bâtiment octogonal, il peut être mis à l’eau sur des rampes de lancement vers le petit port de Goury ou vers le large, suivant le vent et l’état de la mer.

Ce qui me rendait songeuse, c’était de voir inscrits sur le mur le nom des bateaux secourus, mais aussi de ceux qui avaient péri.

Le phare haut de 48 mètres domine la mer à 800 mètres au large des côtes. Les marins ne passent pas entre lui et le rivage, là où roulent des vagues écumantes et meurtrières.

Voilà, c’est « la Hague », le bout de la presqu’île de mon enfance. Plus loin… c’est l’Amérique !

 

La fin de mon histoire est plus triste.

Notre maison a été détruite par les bombardements pendant la guerre.

Le Nord de la Presqu’île est défiguré maintenant par une usine atomique.

Heureusement les côtes ont gardé leur sable, leurs rochers et on peut encore se baigner… si on ne craint pas… l’eau froide !!!

 

Colette Le Buf, à Lyon, le 12 juin 2019